Face à l’adversité et à la souffrance que nous rencontrons tous un jour ou l’autre au cours de notre vie, deux stratégies sont possibles: s’abandonner à la souffrance et à la victimisation ou bien faire quelque chose pour la transcender

Mon récit n’est pas le retour au passé, c’est une réconciliation. Mon histoire, c’est l’histoire de la bagarre d’une femme de 40 ans alcoolique et sobre, poussée à nouveau vers la mort et qui réinvente une stratégie de retour à la vie.

Abstinente en effet depuis quelques 24H, j’ai été pendant des mois dans le plus noir des ressentiments quand mon ex a souhaité « prendre le large ».  Et puis j’ai voulu mourir tant était intolérable la souffrance générée par le drame absurde que je venais de vivre. Car non seulement je venais d’être contaminée au VIH, mais j’avais eu de surcroît le mauvais goût de l’avoir été par un lâche et un menteur. Oui je l’avoue devant Dieu, j’ai voulu intenter à ma vie,  à cause de l’obsession générée par la honte de moi, d’être restée pendant un an avec cet égoïste irresponsable.

Aujourd’hui on ne meurt plus forcément du SIDA. Je ne peux que m’en réjouir évidemment. Je m’en réjouis d’autant plus que je suis passée par ce tunnel froid et obscur, que connaissent la plupart de ceux qui ont vécu les premiers mois d’avant et pendant l’abstinence de tout produit modifiant le comportement et ceux, tout aussi nombreux qui ont éprouvé l’ annonce de leur séropositivité.

Premier choc fin janvier 2008: le sentiment que le ciel m’est tombé sur la tête ! Et j’ai à ce moment là maints fois posé la question à Dieu, pourquoi tant d’injustice ; pourquoi une telle épreuve aujourd’hui?

Au moment où l’homme à qui j’avais donné mon amour et ma confiance me tél. un matin, parce qu’au au bout d’ un temps assez long de relations régulières, il venait enfin de se faire dépister du VIH: le résultat étant positif, je venais par conséquent d’opérer ma séroconversion.

Après le trauma, j’ai emprunté le long et pénible chemin  de  la solitude : la tentation de s’enfermer, les questionnements et les angoisses, les peurs plus ou moins rationnelles, panser les plaies à vif des déchirures de l’âme et du cœur.

Après quoi il a fallu se mettre en route sur l’interminable chemin de l’acceptation et d’arrêter de croire que ma vie ne serait plus désormais que contraintes et renoncements ; assumer la honte, la culpabilité, la salissure et la morbidité engendrés par l’introduction du virus dans ma chair, dont on arrive à contrôler les effets dévastateurs, à l’aide d’une combinaison thérapeutique.  Certes, mais sur le seul plan physique.

Puis naturellement je me suis bricolée à nouveau une image de soi acceptable, donnant cohérence aux évènements, afin de réparer mon âme et panser la blessure narcissique infligée par la trahison de l’être aimé. L’être à qui on avait voulu pardonner, qu’on pardonnait, qu’on pardonnerait.

Pendant ce long et périlleux périple il a fallu faire l’expérience douloureuse mais salvatrice de l’introspection. J’ai découvert que j’avais toujours la peur en moi me contraignant à ne jamais rien tenter seule et par moi même. Dieu m’a parlé et il m’a dit ceci :

« Tu as tendance à te faire prendre en charge par le cours de la vie et par les autres et tu manques d’honnêteté vis à vis de l’autre, au profit de tes intérêts.

Pourquoi faut il toujours que tu sois dans cette passivité qui est essentiellement lié à ton ego ? Tu ne sors pas de toi et de ton monde et lorsque tu entres en action, c’est aussi par intérêt direct. Tu acceptes en fait que l’autre t’utilise si tu y trouves ton compte.

Qu’en aurait-il été de cette relation avec cet homme si tu ne l’avais pas portée pendant un an, dans ta volonté déchaînée qu’il te fasse un enfant ?… »

Grâce à Dieu je m’en suis sortie indemne et à aucun moment, je n’ai voulu reprendre le verre là où je l’avais posé. Je commençais cependant à comprendre à quel point j’avais perdu la maîtrise de ma vie et c’est sur ce constat que j’ai recommencé à travailler mes étapes.

Aujourd’hui je  peux dire que je commence à m’aimer vraiment, m’accepter et surtout accepter l’erreur, la fatale erreur d’avoir cédé à cet intense éclat du désir et que sur un mensonge méticuleusement construit, pour un temps seulement ma vie fut dynamitée.

C’est un miracle de survivre à cette épreuve morale et de pouvoir s’ouvrir de nouveau à la vie, aux autres et à cet autre. Et d’accepter encore que tout passe, que cela aussi passera, que mes renoncements ne sont désormais que partiels. Et recommencer à aimer et faire confiance, tel est mon projet, mon défi.

Je suis aujourd’hui très consciente de ce besoin que j’ai d’être aimé et prise en charge pour ce que je représente et non pour ce que je suis vraiment. Aujourd’hui et  grâce à ma 4ème étape, c’est nettement moins le cas… Mais je dois encore progresser dans ce que je dois être et aussi être aimée pour ce que je suis. Pour cela il faut que je me laisse guidée par ma puissance supérieure et apprendre à être moi-même. Et non ce que mon ego me raconte et attend de moi, vis-à-vis de ma relation au monde.

II y la quelques jours j’ai eu à gérer un problème d’alcool avec quelqu’un de mon équipe au travail. Je connaissais un peu ses difficultés du moment : sans logement véritable, deux enfants  et une femme, avec qui il est séparé. Ce jour là il est arrivé très en retard, ravagé et sentant l’alcool. J’ai  évidemment tout de suite compris. Je suis venue lui parler et il m’a raconté en pleurant qu’il était avec une femme, qu’elle était sans aucun doute une alcoolique, qu’il souffrait avec elle et qu’il ne pouvait pas la quitter…. Puis il a fini par me lâcher que par le passé, il avait fait une cure de désintoxication pour des amphétamines qu’il avait consommées pendant 7 ans. J’en ai moi-même consommé pendant deux ans et demi et je me souviens bien des  désordres physiques, émotifs et mentaux  causés par l’abus de ces substances. Je sais aussi maintenant que c’est à cette époque que j’ai basculé dans une consommation effrénée de sexe, de drogue et  d’alcool, avant de développer par la suite mon addiction simple à l’alcool.

Je suis dans ce programme de rétablissement depuis près de 7ans et j’aime à dire que AA m’a sauvé la vie à deux reprises : une première fois en 2004, quand je suis arrivée dans le mouvement , complètement ruinée par l’alcool. La deuxième fois quand en 2008, j’ai vécu ce drame qui restera pour aujourd’hui, l’évènement majeur de ma vie.

Lorsque le soir même, j’ai emmené cet homme en réunion et que je l’ai entendu dire « Je m’appelle M. et je crois que je suis alcoolique ». J’ai alors pensé que pour lui comme pour moi il y avait peut-être plus redoutable encore que le ressentiment, notre ennemi numéro un à nous les alcooliques. Car de cela et pour ma part, il m’a été donné d’apprendre à l’accepter, à y faire face et à le combattre spirituellement.

Or le déni et la dénégation sont à mon sens comme deux armes pointés sur l’alcoolique et qu’il finira toujours par dégainer s’il ne prend pas la peine de les éradiquer tous les deux complètement.

Je ne peux que m’interroger finalement sur le déni qui est le sien et qui a été le mien pendant toutes ces années d’alcoolisation et peut être et surtout dans l’abstinence, où finalement j’ai failli intenter à ma vie une seconde fois. Mais j’ai tenu bon et en restant en contact avec le mouvement malgré tout, jusque aujourd’hui, je n’ai plus eu envie de boire.

J’aimerai terminer mon témoignage par une réflexion tirée d’un ouvrage remarquable qu’une amie m’avait donné et qui accompagne mes méditions quotidiennes depuis un certain temps. Elle sonne comme un oracle puisque le jour suivant, un 1er février,  jour pour jour il y a trois ans j’apprenais ma séropositivité.

La souffrance rédemptrice

Dieu appelle – 31 janvier

Tout vrai sacrifice et toute vraie souffrance opèrent une rédemption : ils élèvent celui qui les subit, où ils servent à relever et à aider les autres.

Rien n’est livré au hasard.

La pensée de Dieu et son action miraculeuse dépassent tout entendement humain.

Aucun détail n’est oublié dans mon Plan. D’emblée, il est parfait.

Paris le 1er Février 2011