Entendre les autres partager sur leur alcoolisme a été pour moi un formidable remède pour lutter contre mes obsessions d’alcool, mais aussi pour comprendre que j’étais dépendante aux médicaments. Quand j’ai arrêté de boire de l’alcool, j’ai pensé pendant un moment que je pouvais utiliser des médicaments et des somnifères pour calmer mes anxiétés et mes troubles du sommeil. En assistant aux réunions des Alcooliques Anonymes et grâce à leur programme de rétablissement, j’ai compris que ma consommation de médicaments était identique à ma dépendance alcoolique. J’ai également compris que je ne trouverai pas de solution à mes dépendances tant que je continuerai à utiliser des produits chimiques pour anesthésier mes émotions.

J’ai découvert l’alcool assez jeune mais j’ai vraiment rencontré l’alcool à 29 ans. Je pensais à l’époque avoir trouvé le produit miraculeux qui allait résoudre enfin tous mes tourments et je me demandais pourquoi je n’avais pas pensé plus tôt à me prendre régulièrement des cuites. Avec cette idée en tête, je me retrouve donc à 36 ans alcoolique et poussant la porte des Alcooliques Anonymes dans une grande détresse.

Après ma deuxième réunion, j’admets mon alcoolisme et je mets en pratique le principe des 24 heures. Cependant, plus tard je mets le doigt sur une autre dépendance. Je souhaite témoigner ici de mon expérience pour mettre en garde sur la pharmacodépendance. Tout en soulignant le fait que certaines personnes utilisent des médicaments par nécessité, je souhaite parler du danger de l’utilisation consciente ou non du médicament comme un moyen de « défonce ». Cette utilisation viendrait compenser l’usage de l’alcool ou éloigner le problème pour quelques temps seulement. Faire la part des choses entre nécessité et moyen de « défonce » n’a pas été facile pour moi à l’époque et j’ai tenté de faire preuve de la plus grande honnêteté possible envers moi-même.

Je voudrais témoigner ici de mon parcours pour m’en remettre au programme des Alcooliques Anonymes, capituler et accepter ma pharmacodépendance. Je vais donc revenir sur mes comportements du début de mon abstinence d’alcool et sur l’implication des médecins que j’ai rencontrés à ce moment-là.

Quand la crise d’angoisse commença, je me sentais souffrante et j’avais une forte migraine. Je fis appel à un médecin et lui expliquai mon état sans lui cacher ma récente abstinence d’alcool, espérant peut-être, ou peut-être pas d’ailleurs, trouver chez lui le bon sens qu’il me manquait. La demande que je lui fis à ce moment fut la suivante : « s’il vous plait, donnez-moi des anxiolytiques et promis je les jette après ». Je n’avais pas conscience à ce moment précis que cette justification procédait en fait du même principe que mon fonctionnement alcoolique qui aurait dit lui « non mais là, c’est vraiment la dernière cuite». La promesse faite était bien sûr tout aussi impossible à tenir que celle d’une dernière cuite. Malgré les explications sur mon parcours, le médecin me prescrivit les premiers tranquillisants.

Je me précipitai alors dans la soirée dans une pharmacie encore ouverte. À ma sortie de la pharmacie, j’avalai les premiers cachets en doublant d’entré la dose prescrite. La machine se réenclencha et dès le lendemain je revivais les mêmes expériences désagréables qu’avec l’alcool, gueule de bois, esprit vaseux et journée gâchée. Alors, pensant et voulant être « raisonnable », je me mis à chercher d’autres médicaments pour parer à l’usage nocif des derniers médicaments.

Je récidivai donc en allant voir un autre médecin. Je lui racontai mon usage de médicaments problématique, mes angoisses du moment et ma volonté de ne pas prendre d’antidépresseur. Je me retrouvai, à la sortie de chez lui, à nouveau avec des anxiolytiques, des somnifères et, pour me faciliter la tâche, des antidépresseurs.

Je tentai alors les nouveaux anxiolytiques et laissai tomber le reste de l’ordonnance. Cette nouvelle médication, au demeurant peu puissante, me mit dans un état lamentable et je perdis le contrôle au niveau des quantités prescrites. Complètement shootée et manquant de me faire écraser par une voiture dans la rue, je demandai l’avis de ma psychothérapeute. Elle me prescrivit de nouveaux anxiolytiques en me disant de respecter les doses et en indiquant sur l’ordonnance « ne pas donner » pour ceux que j’avais déjà.

Le « ne pas donner » me renvoya une bouffée d’anxiété qui me fit rechercher dans l’urgence une ancienne ordonnance pour me procurer une deuxième boite de ces anxiolytiques (dont je voulais à la base me débarrasser). Je finis donc en quelques jours par me retrouver avec des boîtes de médicaments entassées dans le placard, en plus de la hantise de ne pouvoir en contrôler l’usage. Ayant découvert les Alcooliques Anonymes depuis peu et d’une abstinence d’alcool encore récente, je ne savais plus à qui m’adresser. La péripétie a duré quelques jours et a tourné à l’obsession.

Entre temps, on m’avait aussi suggérée un psychiatre spécialiste en addiction que j’allai consulter. Ce psychiatre proposa de me prescrire un antidépresseur à vertu anxiolytique, mais sans risque d’accoutumance puisque ne faisant pas partie des anxiolytiques de la famille des benzodiazépines. Cette solution était alléchante (et surtout, je le pense aujourd’hui, pour une alcoolique pharmacodépendante), cependant et heureusement elle ne me rassura pas.

Ayant tourné obsessionnellement autour du problème et ne trouvant pas de solution seule, ni avec les médicaments, ni avec les médecins, je décidai de m’en remettre au programme des Alcooliques Anonymes en pensant que puisque cela avait marché pour l’alcool, cela allait peut-être aussi marcher dans le cas présent. Grâce aux réunions, aux amis AA et à une marraine bien inspirée, je tentai d’accepter mon problème d’addiction et je décidai de ne pas prendre de médicaments pour 24heures au moins.

Aujourd’hui, je sais que j’ai fait le bon choix. J’ai accepté de voir et j’ai vu mon comportement d’alcoolique et de pharmacodépendante. Ce n’est qu’en cessant de lutter que j’ai pu grâce à D. prendre la décision de sortir un jour à la fois du cercle infernal de la consommation de produits.