Jamais en réunion je n’ai entendu quelqu’un annoncer le temps qu’il avait passé à boire…..
Pas comme s’il fallait fanfaronner , ou s’appesantir sur son passé éthyllique….Mais enfin quoi, ça peut faire une tranche, des tartines de 24 heures au moins!
Moi, j’ai picolé 20 ans environ et de manière régulière( 24 fois 365 fois 20? Hmmm, ça fait combien?).
Toute ma vie d’adulte, en somme.
Et c’est couillon, parce que maintenant, je suis “mûre”, entendez “femme mûre”, un truc entre les deux..
Pas définissable quand on n’a pas enfanté, un truc pas raisonnable, toujours pas dans les clous….
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Fin bon, , me voici aux AA, avec ma médaille des 4 mois, en train d’essayer d’arrêter de fumer aussi.
Au cas où y’aurait un bonus, va savoir.
Et comme je pipe pas mot, je gribouille pour partager mes questions, réflexions et sentiments.
Quid de la spiritualité?
Et de la spiritualité sans Dieu?
C’est une vieille question : je me la traîne, au rayon des points à éclaircir, depuis une bonne vingtaine justement,.
Sans négliger dans mon enquête la méditation zen, ni le bouddhisme ( les deux pratiqués au moyen de sessions dans des lieux aussi sexy que carmel et monastère). Et sans oublier la rencontre avec un prêtre, homme inoubliable qui, sans jamais essayer de me convertir, m’a néanmoins plus que tirée d’affaire.
Et plus d’une fois.
Avec une grâce et une intelligence qui m’ont bouleversée.
Pas baptisée par une mère “plutôt catholique” ( traduisez par: m’a appris à prier quand j’étais petite, en cachette de mon père), et un père “plutôt musulman” par la naissance ,mais amateur de charcuterie et grand pourfendeur de  l’humain en général, de quelque obédience qu’il se réclame.
Jusqu’ici, je me suis déclarée agnostique et me suis intéressée à quelques mystiques, l’absolu me paraissant plus sérieux que ce désespoir désenchanté d’un monde sans transcendance où règnent le sarcasme et le relativisme.
Aux AA, je me repose la question, non  que ça m’écorche les lèvres de réciter la prière de la sérénité qui me paraît d’un bon sens….absolu, justement.
Mais tout de même, cela mérite à nouveau réflexion puisqu’abstinence et spiritualité sont souvent associées dans les témoignages, et surtout, dans la littérature.

Alors Dieu?
Le fait est que, bien que respectant sans arguties les croyances d’autrui; pour ma part, je ne “crois” pas. Mon esprit ne fonctionne tout simplement pas comme ça, il est imprégné d’autant de cartésianisme que possible ( parfois, il est très confus pour un esprit logique, et ça me chagrine…)
Alors la spiritualité?
Eh bien, à mon sens  (et pour aujourd’hui) , l’esprit est la partie de moi qui, sans être opposée à la matière, a toutefois les ressources pour “être” autrement.
A savoir, essayer, tenter, remettre chaque jour sur le métier l’ouvrage afin d’échapper à la tentation de la possession, de l’avidité  ou du profit, de quelque nature qu’il soit.
Donc, la spiritualité “telle que je la conçois” est une affaire autant privée que publique.
Ca veut  dire alors:  tendre davantage du côté du don que de celui de la rétention, du côté de l’ouverture plutôt que de la crispation, du côté de l’autre plutôt que du repli sur soi.
Et c’est pas gagné…loin de là! A moi ça demande du boulot… De l’attention, de la vigilance, de la résistance, de la lutte, parfois aussi de l’acceptation…de l’humilité quand ça coince.

Alors j’essaie aussi de  travailler sur la matière, avec mon corps: quand, je médite, c’est pour dénouer mes tensions et essayer d’être plus disponible.
Quand je m’entraîne en boxe française, c’est pour libérer ( en contrôle) ma colère ou mon agressivité.
Par l’alcool et dans l’ivresse, j’ai aussi cherché ça , et je ne le renie pas.
Ca: c’est-à-dire l’oubli de moi, la dépossession, la détente/déshinibition, faciliter le contact avec l’autre…Et ç’a marché.
Un temps.
Mais ç’a m’a aussi isolée et abimée.
Ca restait surtout superficiel; je ne me transformais pas en profondeur, mais seulement sous l’effet de la substance. Et sans progression, mais en répétition, en boucle.

Alors, aujourd’hui, j’expérimente avec intérêt, joie souvent, angoisse aussi, toutes ces questions et situations dans l’abstinence.
Je suis novice, ce sont mes premiers pas et je les vis avec l’émerveillement de mon cerveau “mûr” qui sait que les premiers pas ne reviendront jamais;  mais, qu’outre les souvenirs qu’ils constituent, ils sont aussi la matrice du futur.

Alors, merci à tous ceux grâce auxquels je découvre, qui me soutiennent , pas forcément directement, pas forcément avec des mots; mais plutôt parce qu’à les regarder chercher, risquer et avancer, cela m’encourage.

Karine.